
L’Égypte est l’un des plus grands pays du Moyen-Orient ; c’est un pays qui a une communauté artistique pleine de vie et qui est capable d’exporter un large éventail d’arts de plusieurs disciplines dont la musique, le cinéma, le théâtre, etc. Il est cependant difficile (mais pas impossible) pour les artistes égyptiens·nes indépendants·es d’avoir l’opportunité de voyager, de participer à des festivals et de présenter leur travail à l’étranger, pour la simple raison que le niveau de financement pour les déplacements et les tournées est très faible, sinon entièrement absent. L’accès au financement disponible est très compétitif, puisque la scène musicale indépendante est relativement grande ; les groupes finissent tous par frapper à la même porte et ça cause énormément de frustration.
La scène musicale indépendante a connu une expansion très rapide depuis 2001 et c’est un véritable miracle, considérant les conditions difficiles que les artistes et les groupes doivent supporter. Cette difficulté a trois causes principales : premièrement, il n’y a pas de financement disponible pour les musiciens·nes indépendants·es au niveau de l’état, alors la plupart doivent obtenir un autre travail afin de survivre et de soutenir financièrement leurs groupes ; une autre raison est le peu de salles de spectacles disponibles aux artistes, il n’y en a pas plus que 15 au total et elles sont presque toutes au Caire. Il y a un gros problème de centralisation : 95 % des opportunités ne sont présentes qu’au Caire alors les musiciens·nes n’ont aucun moyen de se faire voir et entendre sauf s’iels emménagent dans la capitale, ou, très rarement, à Alexandrie, qui est considérée un peu comme une seconde capitale.
Ce n’est cependant pas aussi sombre que ça en a l’air. Il y a une scène en Égypte qui survit grâce au soutien du secteur privé (par le mécénat des corporations, et des évènements), et des organisations de la société civique qui ont des ressources financières dépendantes du financement international et de bourses, mais ce n’est pas suffisant pour soutenir la scène musicale. Dans certains cas très spécifiques, des groupes indépendants sont invités à se donner en prestation dans des salles appartenant à ou des évènements promus par l’état, mais la vente des billets et les salaires offerts ne sont pas suffisant pour assurer la pérennité de la scène. Donc, pour donner un exemple simple, la production d’un album demande beaucoup de travail entre la planification et la création, en parallèle aux collectes de fonds pour la production et les recherches de salles de spectacles pour pouvoir présenter l’album.
D’un autre côté, inviter des groupes de l’étranger à venir jouer en Égypte n’est pas évident non plus, et pour les mêmes raisons, le manque de ressources financières pour les agents·es de spectacles, les promoteurs·trices, et les programmateurs·trices de festivals est un obstacle de taille quand on veut présenter autant de musiciens·nes étrangers·ères/internationaux·ales dans un pays aussi grand que l’Égypte. Ce n’est pas non plus qu’une question de financement : on doit se confronter à la bureaucratie, à la difficulté d’obtenir des permis spécifiques pour des prestations en direct et à la coordination avec les autorités de l’impôt. Malgré tous ces obstacles, l’Égypte accueille tout de même un grand nombre de festivals internationaux à succès et des évènements de moyenne à grande taille, qui sont pour organisés par des compagnies/commissaires/programmateurs·trices indépendants·es qui reçoivent pour la plupart le soutien d’initiatives culturelles étrangères dont les centres culturels et les ambassades afin de soutenir et de présenter les artistes de leurs pays ou de leurs communautés culturelles pour se donner en prestation en Égypte. Quand ce ne sont pas des compagnies indépendantes qui s’en chargent, le financement vient de corporations privées qui commanditent des évènements où l’accent n’est pas sur les artistes indépendants·es, mais plutôt sur des artistes célèbres qui créeront un « buzz » autour de leur évènement. Mais peu importe la difficulté, les défis, la fatigue de ces processus, ils en valent la peine vu qu’ils facilitent la présentation de musique émergente en Égypte.
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